SIGI : Une étude lancée par l’OCDE visant à déterminer les liens entre les normes liées au genre et les performances scolaires dans le but de réduire les discriminations sociales
Laura Abadia et Pierre de Boisséson sont respectivement Analyste de Politiques et Économiste au Centre de Développement de l’OCDE. Ils travaillent à faire ressortir les niveaux de discriminations sociales dans les institutions pour mieux les réduire. Cela se fait à travers le SIGI, l’étude qui fait l’objet de cette interview. Ils nous expliquent ce qu’est le SIGI, ce qu’il mesure concrètement, les résultats liés à l’étude et son impact.
Qu’est-ce que le SIGI ?
R: Rappelons tout d’abord l’historique afin de mieux comprendre le contexte. En 2019 les femmes continuent d’accuser des niveaux de développement humain inférieurs à ceux des hommes, d’après l’Indice de développement humain (IDH), et l’Afrique sub-saharienne présente les plus grands écarts. Ces résultats reflètent l’omniprésence d’inégalités de genre sur le plan de la santé, de l’éducation et des ressources économiques.
Pour mieux comprendre les causes sous-jacentes de ces inégalités, le Centre de Développement de l’OCDE a conçu l’indice « Institutions sociales et égalité femmes-hommes », ou SIGI par ses initiales en anglais. Cet indice, qui a l’heure actuelle couvre 180 pays, met en avant le rôle central des normes et pratiques sociales profondément ancrées au sein de la société, qui ne sont pas forcément visibles, mais qui contraignent fortement les femmes et les filles et les empêchent d’atteindre une situation d’égalité.
C’est en explorant empiriquement cette face cachée des discriminations que l’OCDE travaille avec des gouvernements partenaires pour élaborer des politiques soucieuses de ces obstacles tenaces et invisibles à l’égalité de genre.
Quelle est la pertinence et l’opportunité de cette étude pour la Côte d’Ivoire ?
R: Si certaines données de la Côte d’Ivoire indiquent la persistance d’attitudes et de stéréotypes patriarcaux, il n’existe pas d’éléments permettant de quantifier leur prévalence dans les différentes régions du pays ou d’analyser comment ils affectent l’autonomisation des femmes.
Nous nous proposons de combler cette lacune en collectant des données primaires sans précédent. À l’aide d’une enquête ménage représentative à l’échelon national et régional, complétée par des entretiens approfondis, nous espérons dévoiler la prévalence de ces normes et pratiques discriminatoires tout en proposant des analyses complémentaires sur leur lien avec les résultats éducatifs des filles.
Cette étude est le fruit d’une étroite collaboration avec le Secrétariat Général de la Présidence, la conseillère spéciale du Président de la République de Côte d’Ivoire en charge du genre, Mme Euphrasie Kouassi Yao et l’Institut National de la Statistique (INS).
Quels sont les types de discriminations visés par l’étude ?
R: L’étude s’attache à mieux comprendre la manière dont les institutions sociales discriminatoires influent sur les décisions des ménages en matière d’éducation et les résultats scolaires des filles. En dépit des avancées encourageantes en Côte d’Ivoire, la plupart d’enfants non scolarisés dans le pays sont des filles. En outre, la perte des moyens de subsistance des familles, causée par la pandémie, peut contraindre les filles à travailler à un âge où elles devraient être scolarisées et pousser de nombreuses familles à les marier précocement.
Nous allons explorer quatre dimensions importantes pour le parcours de vie des femmes et des filles : les discriminations au sein de la famille (tels que les responsabilités domestiques, le mariage précoce, la perception du rendement de l’éducation), les atteintes à l’intégrité physique (notamment la violence ou la limitation de l’autonomie reproductive), l’accès restreint aux ressources productives et financières et les atteintes aux libertés civiles (restriction de la liberté de mouvement). Nous allons mesurer la prévalence de ces normes et pratiques discriminatoires et analyser comment elles influent sur les résultats scolaires des filles.
Quels sont les résultats attendus ? et comment peuvent-ils contribuer à réduire les inégalités entre homme-femme ?
R: L’éducation des filles est une condition fondamentale pour parvenir à leur autonomisation. Cette étude mettra à jour les canaux par lesquels de telles normes et pratiques ont une incidence sur la scolarisation des filles et leur réussite à l’école, en tenant notamment compte des spécificités infranationales et des facteurs aggravants tels que les différences entre zones urbaines et rurales, et le statut socio-économique. En s’appuyant sur cette base de données et ces analyses, le SIGI-Côte d’Ivoire étayera l’élaboration de politiques soucieuses de la lutte contre les inégalités de genre et la scolarisation des filles.
Quel type d’impact devons-nous attendre sur la base des expériences précédentes dans les pays où l’étude a déjà été mise en œuvre ?
R: En plus de la Côte d’Ivoire, nous sommes en train de mener une étude similaire en Tanzanie. Auparavant, deux études pays en Ouganda et au Burkina Faso ont permis aux gouvernements de mesurer précisément les niveaux de discrimination de genre dans ces pays, et d’intégrer une perspective de genre dans la conception des stratégies de développement et des budgets nationaux. Au Burkina Faso, par exemple, les conclusions de l’étude et l’analyse des normes et attitudes justifiant les violences faites aux femmes ont permis de mettre en place un dialogue au niveau national ayant débouché sur la promulgation en 2018 d’une loi criminalisant le viol marital.
Découvrez également un programme du Ministère de l’Education Nationale de Côte d’Ivoire pour l’amélioration des compétences des élèves en Lecture-Écriture et en Calcul.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est une organisation internationale qui œuvre à l’élaboration de meilleures politiques pour une vie meilleure. Son objectif est de façonner des politiques qui favorisent la prospérité, l’égalité, les opportunités et le bien-être pour tous depuis 60 ans.